« Persévère, cher Filoteo, persévère ; ne te décourage pas et ne recule pas parce qu'avec le secours de multiples machinations et artifices le grand et solennel sénat de la sotte ignorance menace et tente de détruire ta divine entreprise et ton grandiose travail. (...) Et parce que dans la
pensée de tout un chacun se trouve une certaine sainteté naturelle, sise dans le haut tribunal de l'intellect qui exerce le jugement du bien et du mal, de la
lumière et des
ténèbres, il adviendra que des réflexions particulières de chacun naîtront pour ton procès des témoins et des défenseurs très fidèles et intègres. (...)
Fais-nous encore connaître ce qu'est vraiment le ciel, ce que sont vraiment les planètes et tous les astres ; comment les mondes infinis sont distincts les uns des autres ; comment un tel effet
infini n'est pas impossible mais nécessaire ; comment un tel effet infini convient à la cause infinie ; quelle est la vraie substance, matière, acte et efficience du tout ; comment toutes les choses sensibles et composées sont formées des mêmes principes et éléments. Apporte nous la
connaissance de l'
univers infini. Déchire les surfaces concaves et convexes qui terminent au dedans et au dehors tant d'éléments et de cieux. Jette le ridicule sur les orbes déférents et les étoiles fixes. Brise et jette à terre, dans le grondement et le tourbillon de tes arguments vigoureux, ce que le peuple aveugle considère comme les murailles adamantines du premier mobile et du dernier convexe.
Que soit détruite la position centrale accordée en propre et uniquement à cette Terre. Supprime la vulgaire
croyance en la
quintessence. Donne-nous la science de l'équivalence de la composition de notre astre et monde avec celle de tous les astres et mondes que nous pouvons voir. Qu'avec ses phases successives et ordonnées, chacun des grands et spacieux mondes infinis nourrisse équitablement d'autres mondes infinis de moindre importance. Annule les moteurs extrinsèques, en même temps que les limites de ces cieux. Ouvre nous la
porte par laquelle nous voyons que cet astre ne diffère pas des autres. Montre que la consistance des autres mondes dans l'
éther est pareille à celle de celui-ci. Fais clairement entendre que le mouvement de tous provient de l'
âme intérieure, afin qu'à la lumière d'une telle contemplation, nous progressions à pas plus sûrs dans la connaissance de la nature. »
Giordano Bruno, philosophe, (1548 – 1600) fut condamné comme
hérétique sur ordre du pape Clément VIII)
Source : De l'infini, de l'univers et des mondes