
Égocentrisme
Par Honora le -
Honora 7 juin 2010
Je viens de découvrir votre contribution du 31 mars 2007. Je l’ai trouvé « à la une » du site et j’ai d’abord cru à une communication récente.
Je partage entièrement votre analyse pleine de vérité si bien que j’ai longuement hésité à vous répondre car je n’ai pratiquement rien à ajouter.
Comme vous, avec mes doutes et mes réflexions, je n’ai que « ma » vérité à offrir avec le sentiment prégnant d’avoir découvert quelques clés basiques que je voudrais partager avec ceux qui souffrent et qui errent sans repères dans un monde agressif ou avec ces jeunes aussi qui entrent dans la vie avec pour seul fallacieux bagage que le monde est à eux sans mesure et que le bonheur est dans la consommation à tous crins, les jeux, le tout, tout de suite et l’assistanat.
J’ai toujours fait des choix, respecté « mes » valeurs qui valent ce qu’elles valent, mais j’ai vécu l’époque appelée les « trente glorieuses » et j’ai profité du progrès avec une inconscience bienheureuse sans malgré tout tomber dans la consommation compulsive. Même si j’ai fui les sirènes de la publicité, il m’a néanmoins fallut longtemps avant de prendre conscience que je participais sans vergogne à la dégradation, à la pollution de notre planète et que l’héritage que nous allions laisser à nos enfants risquait d’être bien mal en point.
L’image un peu simpliste mais tellement vrai des « gentils pauvres et méchants riches mais tous rêvent de devenir méchants… m’a fait sourire. Le monde est évidement plus complexe mais c’est un raccourci assez percutant et qui convient parfaitement à votre exposé et à la réflexion de Coluche.
J’aurais aimé ajouter, la gent médicale et para médicale à ces méchants riches de votre réflexion. Métier sacré s’il en est et pourtant ! Que font-ils aujourd’hui du serment d’Hippocrate ? La bobologie est un créneau porteur qui fait très bien vivre beaucoup de médecins médiocres et indifférents. C’est rassurant de soigner les gens en bonne santé ; la chirurgie devient un sport national, les seins, les prostates, la peau… aucune partie du corps n’y échappe. Esthétique ou thérapeutique, tout y passe et l’on pourrait ajouter, pour les décrier, nombre de spécialités dont entre autres la manipulation génétique qui a engendré les mères porteuses, la conception in vitro et autres aberrations.
Mais quels corps de métiers échappent à l’appât du gain ? Un jour, récent d’ailleurs, j’ai pris conscience que la terre, qui n’appartient à personne, a été parcellée pour être vendue ! De quel droit suis-je propriétaire de 400 m² de terrain, aussi dérisoires soient-ils ? Cela n’offusque personne ! Serf dans l’âme quand il est faible mais souvent prêt à écraser son voisin, s’il reçoit des marques de pouvoir, l’homme est ainsi fait, dominé rêvant de devenir dominant !
La conséquence à mon sens est, outre l’égocentrisme, que la crédulité, la propension à l’assistanat, l’esprit moutonnier et versatile, la paresse intellectuelle, la paresse tout court de beaucoup engendrent toutes les dérives que nous subissons. La réflexion personnelle demande un effort auquel bien peu se prêtent. Formatés dès le plus jeune âge d’ailleurs pour l’éviter. Il y a toujours quelqu’un qui a pensé pour eux. La manipulation, sur un tel terrain, a encore de belles heures et l’injustice lui emboite le pas. Le rôle des politiques a été dévoyé mais qui vote pour eux et qui les vilipendent quelques mois plus tard, leur ôtant ainsi tout moyen d’agir et de faire leurs preuves ? Le changement dans l’inertie, un concept que nous avons inventé !
Je partage également votre analyse sur la religion. Beaucoup confondent religion et spiritualité. Dogmatiques avant tout, les religions dénaturées, vidées de leur substance, au travers de leurs représentants, ont été de tout temps une des plaies du monde et ce serait un progrès que beaucoup aient su les rejeter s’ils avaient conservés la Foi en Dieu. La Foi véritable ne peut pas se perdre car Dieu ne saurait nous décevoir mais l’amalgame et la confusion ont crée un vide que beaucoup n’ont pas su combler. La foi du charbonnier ne transcende pas l’homme, au contraire, elle engendre l’intolérance. J’ai été baptisée tardivement, en raison de la guerre, j’avais une dizaine d’années. J’ai donc suivi une instruction religieuse avant de recevoir ce « sacrement » mais la bonne sœur me reprochait déjà de poser beaucoup de questions, refusant de la croire sur parole « c’est un mystère, me serinait-elle » et cela aurait dû me suffire … mais je voulais comprendre, cela ne me satisfaisait pas...
On me trouve différente... certains m’estiment, me trouvent sage, d’autres me ringardisent, me trouve dépassée, archaïque. Je ne suis pas sûre des mériter ces jugements. Quelle importance d’ailleurs ! Aujourd’hui, je n’éprouve plus le besoin d’être reconnu, mon égo a pris, me semble-t’il, des dimensions plus raisonnables, témoigner me semble illusoire comme prêcher dans le désert, c’est peut-être un effet dû à l’âge, alors sans vouloir jouer perso, je crois que si l’homme doit être sauvé, il ne pourra l’être que grâce à l’attitude responsable de chacun. Je refuse pourtant de me résigner et, malgré mes erreurs de jugements, mes tâtonnements, je ne peux modestement proposer que l’expérience d’une vie aussi respectueuse des autres et de la planète que possible en espérant un effet papillon. Et cela pour les pays comme le nôtre, le problème est bien différent dans certaines parties du monde où la survie des populations est, avant toute tentative de réflexion philosophique, primordiale. Quant à notre planète, elle survivra sans doute à l’homme, dont les souillures qu’il lui inflige se retournent contre lui, comme elle a survécu à la dérive des continents, aux dinosaures, aux explosions nucléaires naturelles, aux longues périodes glacières suivies de réchauffements spectaculaires, en se régénérant.
L’homme serait apparut il y a quelques cent aines de milliers d’années et que ressort-t’il de son histoire que l’on essaie de réinventer ou lorsqu’elle est plus récente, à partir des traces que l’on retrouve ? A toutes les époques, mais aujourd’hui encore, c’est la domination, l’esclavage, la torture, l’asservissement, le pouvoir destructeur des forts sur les faibles qui prévaut. Quels progrès avons-nous accomplis ? L’intelligence est souvent mise au service de la sophistication des moyens de tuer et, depuis qu’il a été inventé, faire de l’argent pour jouir bestialement de la vie. Cela dit, en éradiquant la faim sous notre soleil nous avons aussi éradiqué le cannibalisme… peut-être grâce à la religion et à la peur, il perdure encore de nos jours sous des cieux moins cléments. C'était cependant un bon début.
Pourquoi certains individus violent, tuent, torturent et semblent dépourvus d'âme alors que d’autres essaient de secourir les malheureux, de soulager leur misère ou modestement respecter l'autre. On se donne l’illusion d’être civilisé, évolué, en refusant la peine de mort mais on abandonne dans la nature des individus pervers dangereux qui récidivent fréquemment. On fait l’autruche en toute bonne conscience, faisant fi, au passage, de la vie des futures victimes mais en jetant l’anathème sur quiconque combien ose se récrier. Bien sûr la vie est sacrée mais c’est aussi vrai pour celle de ces malheureux que pour celle de leurs victimes. Qui cherche une alternative pour éviter ces drames ? Et pourquoi beaucoup trop d’autres, dont je suis, constatent et déplorent passivement, impuissants et timorés, le désastre?
Peut-on arrêter le progrès ? Je ne rêve pas plus que vous de régression et je ne souhaite pas vivre dans une caverne mais quand aurait-il fallu dire stop à l’évolution technique : je me passe de téléphone mobile et j’ai même bien vécu sans téléphone jusqu’à 35 ans car je communiquais par l’écrit, je n’utilise pas davantage l’avion que la bicyclette, je préfère tout de même le réfrigérateur à la glacière, j’apprécie le confort d’une maison climatisé, etc… et pour autant, c’est grâce à l’ordinateur et à Internet que je peux vous faire part de mes réflexions où que vous soyez ! Y aurait-il moins de pauvres sur la planète si ce progrès n’existait pas ? Le côté pratique de ces progrès justifie-t’il toutes les dérives écologiques qu’il génère ? Est-ce que ce que j’apprécie est indispensable et le reste inutile, évidemment non, alors ? Que de contradictions …
Et puis qu’est-ce que la sagesse ? Il me semble que ma vie a été protégée. Qu’est-ce qui m’a poussé à réfléchir très tôt : pourquoi celui-ci a-t-il connu la misère, la médiocrité, le maintien dans l’ignorance, le malheur dès sa naissance et cet autre l’abondance et l’amour ? Pourquoi ai-je eu ces parents-là ? Ce pays-là, cet horizon-là ? J’ai peu de besoin, peu d’envie, est-ce une chance ou une faiblesse ? Ce qui est bien pour moi, l’est-il pour d’autres. Pourquoi ce cheminement ? Aurais-je eu le même si j’avais dû affronter la misère ? Pourquoi suis-je née en France ? Beaucoup de questions, peu de réponses. Dieu attend-Il quelque chose de moi, de vous, des hommes ?
Que savons-nous de la réflexion animale, longtemps niée comme leurs sentiments, leur douleur mais que l’on découvre aujourd’hui ? Pourquoi n’y aurait-il pas de réflexion végétale ? L’homme se veut, se clame unique, supérieur mais c’est à partir de critères subjectifs et peut-être parce qu’il ignore encore tout du monde vivant qui l’entoure. Il y a, heureusement, à travers les époques des êtres exceptionnels, des exemples dont certains d’entre nous essaient modestement de s’inspirer et suivre la trace. Ils nous donnent la force et l’envie de vivre ici-bas.
– revu 10 juillet 2016

Ce n'est pas ce que j'ai écrit
Par Freddo le 11.04.2007
Bonjour Arcene,
je suis bien d'accord : le problème n'est pas uniquement lié à l'égocentrisme des patrons. La source du problème est l'égocentrisme de tout un chacun.
L'extrait du texte ci-dessous, exprime ce que je pense de l'éternelle querelle entre les patrons et les prolétaires (les méchants et les gentils...) :
« L'employeur et l'employé se regardent presque toujours en ennemis.
Le premier vit dans la méfiance du second ; et celui-ci murmure contre la tyrannie ou l'avarice de celui-là. Le patron est certain que ses ouvriers perdent leur temps et le volent ; les ouvriers, à leur tour, se persuadent qu'ils sont des victimes sans défense ; et ces soupçons, savamment cultivés par de bons apôtres qui vivent de ces enfantillages, s'exaspèrent et amènent des violences.
Et pourtant tout serait si facile, avec un peu de calme et de bon sens ! Celui-ci est le maître, celui-là le manoeuvre ; aujourd'hui, oui. Mais, hier, qu'étaient-ils ? Et demain, que serez-vous ? Croyez-vous donc que c'est par votre propre mérite que vous possédez maintenant une usine florissante ? Votre intelligence, votre habileté, votre fermeté furent les instruments de votre fortune ? D'accord ; mais d'où vous viennent ce sens des affaires, cette énergie ? Vous n'avez fait que développer des germes latents, et la force même de ce développement ne vient pas de vous. Ne méprisez donc pas vos inférieurs, ne les craignez pas ; ils seront pour vous ce qu'il est juste qu'ils soient. Et vous, prolétaires, ne haïssez pas vos chefs ; ils sont tels qu'il faut pour le bien de votre âme. Vous êtes, nous sommes tous les collaborateurs de tous ; l'humanité entière travaille au même chef-d'oeuvre, quelque divergentes que paraissent ses besognes particulières.
Le but n'est pas d'enfermer quelques liasses de plus dans un coffre-fort ou de marier ses enfants plus richement ; ouvrons tout grands nos yeux pour voir la vie dans son plus vaste horizon. Nous ne sommes que des cellules du corps social, que des atomes du règne hominal, de bien misérables petites choses. Au point de vue du simple sociologue, toutes les fatigues de tout un peuple ne concourent-elles pas à la même oeuvre ? Combien plus des spiritualistes ne doivent-ils pas mettre en commun leurs efforts?
Dans notre corps, les cellules de l'intestin et celles du cervelet travaillent dans le même sens ; si elles se désunissent, cela fait une maladie. De même, si le paysan, le maçon et l'homme de lettres n'effacent pas leurs désirs personnels devant les besoins de la société ou, mieux encore, devant la Volonté de Dieu, cela fait aussi une maladie: crise économique, intrigues, déséquilibre de pouvoirs, révolution. »
Extrait de « La voie mystique » de Sédir.
fred